Charles Guyot : un parisien atypique sur les traces de la ville d’Ys
Lorsque l’on se penche sur la biographie de Charles Guyot, on est surpris de voir que La légende de la ville d’Ys, d’après les textes anciens, qui est un des textes les plus connus qui ont relaté la légende de la ville d’Ys, puisse émaner du personnage. Charles Guyot n’a rien de bretonnant, il est un intellectuel parisien proche du cercle des artistes de Montparnasse qui s’est illustré entre les deux guerres. Féru de sport par ailleurs, c’est dans ce domaine qu’il a été le plus prolifique littérairement. Pourtant, c’est lui le premier qui a réécrit la légende dans un style moderne et romancé en 1926. Jusqu’à présent, Théodore Hersart de la Villemarqué dans le Barzaz Breiz ou Emile Souvestre dans Le foyer Breton avaient voulu scrupuleusement retranscrire les poèmes telle que la tradition orale les avaient amenés jusqu’à eux. Anatole Le Braz dans Au pays des pardons et La légende de la mort avait lui aussi parsemé ses témoignages d’évocations de la légende glanées ici et là mais Charles Guyot est le premier qui nous propose une œuvre originale, reconstruite sur une intrigue complète, quoiqu’encore très inscrite dans des traditions auxquelles il s’est voulu fidèle.
La légende de la ville d’Ys, d’après les textes anciens, la synthèse de légendes variées autour du thème de la ville d’Ys
Charles Guyot s’est inspiré de plusieurs légendes pour en faire un tout cohérent qui nourrisse un roman complet. Il a tout d’abord repris les différentes légendes celtiques qui mettent en scène le Roi Gradlon, roi de Cornouaille, un des premiers rois Bretons de notre actuel Bretagne. Rappelons en effet que les Bretons sont les premiers habitants celtes de Grande-Bretagne, l’équivalent des Gaulois pour la France et la Belgique. Ce n’est qu’au Ve siècle, que ces Bretons débarquèrent dans notre actuelle Bretagne et lui donnèrent le nom qu’on lui connaît aujourd’hui. Le roi Gradlon fait partie des toutes premières vagues de cette immigration et est donc un des tous premiers, sinon le premier, rois de Cornouaille. Son souvenir n’est parvenu jusqu’à nous qu’à travers trois légendes :
- La légende de la Ville d’Ys, qui met en scène Saint-Guénolé
- La légende de Saint-Corentin
- La légende de Saint-Ronan
La légende de la Ville d’Ys est moins ancrée dans l’hagiographie officielle que les deux autres légendes. On ne trouvera aucune trace de la ville d’Ys dans l’histoire officielle de Saint-Guénolé. En revanche, les rencontres du roi Gradlon avec Saint-Corentin et Saint-Ronan font bien partie de l’histoire officielle de ces deux Saints. Aussi, Charles Guyot les a-t-il ajoutés à sa légende de la ville d’Ys. Gradlon est aujourd’hui présent aux côtés de Saint-Ronan dans l’illustration de la légende du Saint présente sur la chaire de l’Eglise Saint-Ronan à Locronan. Il est aussi souvent associé à Saint-Corentin qu’il établit comme premier évêque de Quimper. Charles Guyot met en scène la rencontre de Gradlon et de Saint-Corentin sur les contre-forts du Ménez-Hom au cours de laquelle Saint-Corentin produit un miracle en improvisant un banquet pour Gradlon et sa suite à partir d’un poisson magique.
Charles Guyot nous parle également d’un chevalier Kebius qui pourrait lui aussi être emprunté à quelque autre légende.
Charles Guyot, le premier d’une longue série !
Pourquoi Charles Guyot a-t-il, au milieu d’une œuvre très différente, décidé de s’approprier la légende de la ville d’Ys ? C’est un mystère pour nous ! Toujours est-il qu’il a été suivi par plusieurs auteurs tout au long du XXe siècle qui ont eux aussi voulu nous raconter leur ville d’Ys. Georges-Gustave Toudouze, entre deux épisodes des « Cinq jeunes filles » bien connus des nostalgiques de la Bibliothèque Verte, propose sa version en 1948. Parisien lui aussi, il s’est fortement engagé pour la culture bretonne. Henri Queffélec et Michel Le Bris proposeront eux aussi leurs versions en 1962 et 1982. On s’étonne moins, pour deux authentiques bretons comme eux, de trouver dans leur œuvre la légende de ville d’Ys !